Compliments

 

Ce qui est…
Exquise amie
  J'apprends aujourd'hui que tu vis, avec au fond du ventre, un bébé que tu portes et qui n'est pas de moi.
  Je te présente mes compliments pour ce jour béni où tu accéderas à cet état que 1’on nomme maternité et c'est ému que je te dispense mes vives félicitations pour cette entreprise méritante et enviable à laquelle tu dévoueras ta vie comme il se doit, et à laquelle, je suis convaincu, tu ne failliras pas.
  Je suis certain que cette maigre créature accrochée à tes viscères symbolise à elle seule l'aboutissement couronné de ton existence où se rencontrent tous tes espoirs.  Tant d'êtres pondent des enfants par désœuvrement, à tous vents, pour pallier une angoisse personnelle, comme dérivatif à leur mal de vivre et à leur incurable ennui.  Mais tu n'es pas de ceux-là toi, tu n'es pas égoïste, mesquine et inconséquente.  Tu l'as conçu en connaissance de cause, en ayant bien pesé tous les termes et leurs conséquences.  Enfin tu le désirais pour lui plus que pour toi, pour lui communiquer ton bonheur de vivre, pour lui apprendre le monde et contempler dans ses yeux clairs toute la passion que tu y auras distillée.
  Puisque j'en suis aux vœux traditionnels, je tiens, par la même occasion à rendre grâce à dieu et à toi pour la faveur que ce petit être que tu abrites ne soit  pas d'une certaine façon la moitié de moi-même, rapport aux taloches futures et si mal à propos que tu sauras, je n'en doute pas, si bien lui administrer.  En effet, sachant ma sensibilité, tu comprendras sans peine comme je me serais répandu en regrets éternels à voir persécuter la chair de ma chair, à l'abandonner en victime à ta lâche cruauté.
  Oui, cet affreux et grotesque avorton que tu vas engendrer et nourrir, traînera derrière lui sa misère et ses sanglots dont tu auras si bien su le pétrir.  Peut-être même, qui sait, parviendras-tu à le rendre méchant, teigneux, une véritable brute odieuse.  Peut-être sera-t-il vilain, laid.  J'imagine ton plaisir alors, à le rouer de coups, à le persécuter, à le persifler et à l'humilier.
  Comme tu en conviendras, mes vœux se distinguent des louanges mièvres qu'il est tant d'usage de radoter aux adipeuses femelles en couche.
  Enfant martyr ou détestable monstre ou les deux à la fois, tu me vois dubitatif quant à sa judicieuse venue en ce monde en l'état de ton enfant.
  Très chère Madame, mes hommages.


Un amant répudié mais clairvoyant.



 

Ce qui n’est pas, mais que j’aurais tant aimé qu’il soit…


Mon amour

  Je t'écris ces lignes parce que tu le sais, pour m'exprimer, l'écriture m'a toujours été plus aisée que les paroles.  Je suis tellement heureux de la venue de cet enfant que tu chéris sous ta peau que je ne sais plus que me taire et te contempler, attentif.  Ce grand amour entre nous qui va prendre les traits espiègles d'un enfant blond ou brun, la forme de tes yeux clairs me ravit, me transporte d'allégresse comme le premier jour des vacances de mon enfance.  Tant de bonheur, fontaine de jouvence qui me baigne, je le désirais tant.  Cet événement mystique, irrationnel qui surgit entre nous, le brassage de nos patrimoines génétiques qui composera un nouvel être unique jailli du néant me bouleverse prodigieusement d'une joie incommensurable.
  Mon amour au regard frémissant, tendre et généreux, tu me rends fier et orgueilleux.  Cet enfant que tu prépares, je sais que tu ne lui lâcheras pas la main, que tu le guideras, assurée et sincère. Je suis certain que tu sauras conjurer le sort sur son existence et le garder des mauvais choix.  Au seuil de sa vie, un sentiment d'accomplissement et de sérénité m'habite.  La valeur de cet enfant que tu me donnes est inestimable.
  Mon enfant, ton enfant est unique au monde.  Je le vois d'avance comme une vision, dressé sur ses jambes, dominant l'espace, fier et pétri de bonté, fillette pétillante d'intelligence à la frimousse adorable et spontanée ou bien petit garçon vif et coquin bondissant dans les herbes folles.  Il viendra auprès de nous chercher la tendresse et l'assurance de notre entente complice.
  Petite créature qui respire ton sang, souple et vivante dans ton ventre clos, je l'aime à travers toi, présence occulte et bénéfique.  J'attends, comme toi je le sens, J'attends son sourire chaud, sa beauté simple, ses émerveillements.
  Mon amour, cet enfant chaque jour, sera comme un deuxième soleil qui se lève au ciel.  Il enchantera nos vies.  Je te le promets, je le porterai par-dessus les torrents, je franchirai les rocs, je le brandirai entre mes mains à la surface des eaux pour le préserver, lui, plus précieux que ma vie.  Vous serez mon unique univers.
  Mon amour, pour cette aurore que tu fais naître, je t’aime et te remercie.
Moi
 
 

© Nérac, 1999

 

 


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